Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ecrits en ligne
ecrits en ligne
Publicité
Derniers commentaires
16 mars 2009

Le Magicien et les vieilles Dames Marcelle, la

Le Magicien et les vieilles Dames

   Marcelle, la concierge de l’avenue Ledru-Rollin revient du marché. Elle tangue sur ses mauvaises jambes gonflées, balançant un vieux cabas d’où émerge une botte de poireaux. Elle a rendez-vous comme chaque jeudi au tabac du coin.

   Là, elle retrouve ses amies, Antoinette et Simone, pour bavarder devant un apéro. Antoinette, elle, originaire du nord, ne boit que de la bière. Elle tient aussi une loge rue de Lyon. Ce modeste espace est partagé par un chat noir, un lapin, une tortue et un couple de serins.

   Antoinette ne doit pas peser plus de quarante-deux kilos. Un éternel imperméable, des tibias secs piqués dans des bottillons, des cheveux blancs aux boucles jaunissantes encadrant une petite tête fripée comme une pomme oubliée. Toutes trois ont plus de soixante-dix ans.

   Antoinette agite un doigt osseux avec véhémence : - Y n’auront pas un sou ces rapiats là !

Elle parle de sa bru. Les deux autres approuvent…

   - Ah, et pis c’matin, j’ai trouvé mon entrée crottée, ça m’a fichu d’mauvais poil !

   - Ben moi j’ai de la veine, j’ai de bons locataires. Pour la saint Marcel, ils m’ont offert une belle plante verte !

   Simone, la plus silencieuse opine  et annonce :

   - Il est arrivé un nouveau voisin sur mon palier : un monsieur très propre et bien aimable…

   - Dis donc toi, teu vas teud’même pas l’draguer ! S’esclaffe Antoinette.

   Simone hausse les épaules et renchérit :

   - N’empêche, il fait très bon genre avec sa petite barbiche et son nœud papillon.

   - Mais j’l’ai vu ton oiseau ! S’exclame Marcelle, un petit bonhomme qui porte un chapeau et un pardessus noir…

   - C’est bien çà.

   - Il est à la retraite ? Demande Antoinette.

   - J’crois pas. Tous les soirs, il part avec sa mallette…

   - Peut-être qu’il travaille dans un restaurant...

   - Y s’rait pas veilleur de nuit, des fois ? Lance Marcelle.

   Elles rigolent toutes les trois et lèvent leur verre pour trinquer.

…..

   Il était près de midi, lorsque les trois amies se séparèrent. Dans la soucoupe, des pièces de monnaie témoignaient de leur générosité.

   Simone arriva toute essoufflée sur le palier du troisième. Elle posa son cabas pour chercher ses clés. Machinalement, elle tourna la tête vers la porte de son nouveau voisin. Tiens ! Un rectangle de carton rouge se découpait sur le panneau. Intriguée, elle traversa le palier et ajusta ses lunettes pour déchiffrer le texte imprimé en caractères dorés. Elle lut à mi-voix « Signor Anselmo Vanini, Maître de Magie ». Derrière la porte, un cri d’oiseau la fit sursauter. Prestement, elle rentra chez elle. Le verrou tiré, elle s’empressa de téléphoner à Antoinette.

…..

   Le signor Vanini leva les bras. Des mains fines et soignées émergeaient de la blancheur des manchettes.

Son regard pétillant de malice fit le tour de l’assemblée. « - Et maintenant, mesdames et messieurs, nous allons terminer notre petite séance... ».

   Au bout de ses doigts apparut une fine baguette rouge. Il souffla sur l’une des extrémités. La baguette se mit à raccourcir et à gonfler pour former un cylindre qu’il plaça sur sa tête. Tout le monde reconnut alors une chéchia agrémentée d’un pompon.

   Après avoir salué il l’ôta, fit constater que l’intérieur était vide et la posa sur la nappe blanche. Il claqua des doigts, souleva la chéchia. Un perroquet rutilant. L’oiseau examina les spectateurs d’un œil rond, ébouriffa ses ailes et ouvrit le bec : « Vaniniii est le plus grrrand…le plus grrrand… ».

   - Merci, vous me flattez monsieur Toto !

   Le magicien recouvrit le bavard, lissa sa moustache. Puis d’un air distrait souleva à nouveau la chéchia. Les dames poussèrent un petit cri en se reculant : Vanini intrigué baissa les yeux vers la table : « - Ma faites excuse signoras ! C’est une erreur… ». Sur la nappe, une souris assise sur son derrière, dressait un museau pointu et renifleur ! Il la fit prestement disparaître sous la rouge coiffe. S’en saisissant alors, il la retourna et s’avança vers le public à demi rassuré. Plongeant la main dans la chéchia il en sortit une à une de magnifiques orchidées qu’il offrit à chacune des dames présentes.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité