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11 février 2009

- Albert, tu passeras chez Nioche ? Il marmonna

                  - Albert, tu passeras chez Nioche ? Il marmonna un acquiescement. Nioche était le boulanger du boulevard Voltaire. Sa femme réajusta ses lunettes avant de replonger dans la lecture d’un pavé relatant la passion d’une jeune fille au pair pour un chirurgien américain.
 
Cela faisait maintenant huit jours que les Rousset avaient retrouvé le trois pièces de la rue des Boulets dans le onzième arrondissement.
 
Henriette, sa femme, avait repris ses habitudes. Elle avait longuement commenté le séjour du Pradet auprès des commerçants du quartier. Un matin, elle avait regardé son mari avec curiosité «  Les vacances t’ont fait du bien ! Tu as l’air tout guilleret… ». Aussitôt, il avait perdu le sourire. Il n’allait pas se trahir maintenant ! Elle était incapable de tenir sa langue !
 
Chaque jour, il échafaudait des plans mirifiques qui faisaient paraître plus morne la grisaille des habitudes. Il se remémorait l’aventure du parc Cravéro. L’ingéniosité qu’il avait dû déployer !
 
Les ruses nécessaires pour cacher sa découverte à la curiosité de sa femme. Il était hors de question de partager le trésor avec l’état. Il était encore sous le coup de cette chance fabuleuse. C’est dans son coffre à outils, le seul endroit interdit à sa femme, qu’il avait dissimulé la grande boîte à biscuit qui contenait cinq cent vingt pièces d’or ! Toutes identiques, empilées soigneusement. Chaque pile séparée par une bande de carton. Le coffre fermait dorénavant avec un cadenas.
 
Subrepticement, il avait recherché des adresses afin de connaître la valeur de son trésor.
Méfiant, il n’avait à ce jour, encore rien montré.
  La première nuit, il lui fut impossible de s’endormir. Le film des évènements défilait dans sa tête.

                                                                                    …

                   Quand il avait quitté le parc, les idées les plus folles lui montaient au cerveau.
Comment entrer en possession de la totalité du précieux dépôt ? Il envisagea de venir de nuit en franchissant la clôture. Impossible ! Vu l’état de ses lombaires, il devrait opérer de jour. Henriette s’étonnait de ses fréquentes sorties. Il prétexta une rencontre avec un habitant avec lequel il aurait sympathisé. En fait, il passait son temps à observer les allées et venues des employés municipaux et des quelques promeneurs. Il acquit une certitude : l’heure de la sieste était le moment le plus favorable.
 
Il eut alors une idée géniale. Sa femme qui nourrissait des prétentions artistiques, avait emporté sa boîte d’aquarelles. Il réussit à lui emprunter son matériel.
 
Ce jeudi-là, des nuages bien venus le décidèrent à l’action. Par ailleurs, en cette fin du mois d’août les touristes devenaient rares.
 
Albert installa son pliant à l’aplomb du trou rebouché devant la fontaine. Il avait apporté un grand sac dont il sortit un grand carnet à dessins et la boîte d’aquarelles. Il versa de l’eau dans un gobelet et commença à ébaucher quelques traits hésitants sur le papier. Il sourit en pensant à la tête de sa femme quant il lui avait signifié son désir de tâter de l’aquarelle. «  Mon pauvre Albert, quelle idée ! … Enfin, n’oublie pas ta casquette ! ».
 
Il avait étalé quelques touches de couleur quand une bonne femme traînant un gamin éprouva le désir de venir regarder son œuvre. Contrarié, il agita son pinceau dans le gobelet, l’essuya. Après avoir répété cette manœuvre plusieurs fois, il finit par cesser toute activité. La femme attendit un bon moment. Le gosse lui posait des questions sur le monsieur. Enfin, elle abandonna la place, suivie de son horripilant rejeton.
 
Albert Rousset usa de mille précautions pour creuser. La veille, il s’était rendu au centre commercial de Grand Var d’où il avait rapporté un robuste outil de jardinage en forme de cuillère.
 
Au fur et à mesure, il s’évertuait à repousser la terre sous le sac. Il fallut une bonne demi-heure avant qu’il ne découvre complètement l’orifice du vase. Le col du récipient était incliné. La partie la plus basse se trouvait à moins de huit centimètres de profondeur. C’est son bord supérieur plus près de la surface qui était apparu lors de la première fouille. Effectivement l’ouverture circulaire était obstruée aux trois quarts par une plaque de cire. Albert posa son carnet à dessin sur le trou.
 
Il ressentait une forte émotion. Et si cette jarre était vide ? Absurde ! Dans ce cas, on n’aurait pas pris la précaution d’en fermer l’ouverture ! Il prit une grande inspiration, tira lentement le carton. D’un geste sec il frappa le bouchon du manche de son outil. Aussitôt il perçut par l’orifice une lueur dorée. Il y plongea la main s’égratignant le poignet aux restes de cire sèche. Il remonta une poignée de pièces brillantes qu’il jeta prestement dans son sac avant de tirer le carton.
 
Ses mains tremblaient. Il but de l’eau à même la bouteille de plastique. Le clocher de l’église sonna trois heures. Il lui restait peu de temps. Le soleil commençait à apparaître. Bientôt les gosses viendraient jouer dans le parc, ensuite ce serait le tour du troisième âge.
 
La jarre semblait sans fond. Sa main ramenait toujours des pièces, encore des pièces. Il en devenait fou. Pourtant, à la longue ses doigts raclèrent le fond. Il n’aurait pas voulu laisser une seule pièce dans le pot. Recouvert d’un chiffon, la totalité du trésor gonflait maintenant le sac.
 
Un gros problème se présentait : il ne pouvait sortir la jarre ! Il lui fallait combler le trou ! Malheureusement le peu de terre extrait ne pouvait y suffire. Il se livra alors à un travail de fourmi. Aux alentours il avait repéré sur le terrain et le long d’allées négligées, des pierres de différentes grosseurs. Il les rapporta par deux ou trois, les déposant près de la fontaine. Il pensa qu’il n’en viendrait jamais à bout. Enfin, le tas de pierres lui parût suffisant. Il les jeta une à une dans la jarre vide, y mêlant des cailloux moins gros afin de combler les vides.
 
Enfin ça y était. Il devait être près de quatre heures, comme il rabattait la terre dans l’ouverture. Il pesa du pied pour la tasser, ramena du sable sec et des brindilles de cyprès par-dessus.
 
Après un dernier coup d’œil, il commença à rassembler ses affaires. Il souleva le sac provoquant un tintement métallique et traversa le parc lentement, marchant tête baissée. Soucieux d’un un faux pas malencontreux. Il souffla lorsque le tout fut déposé dans le coffre de la clio.
 
- Tu as vu l’état de tes sandales ! Ote les que je les nettoie ! Henriette était assise sous le parasol. Petrus, leur caniche dormait, allongé sous la table de jardin.
 
- Je vais d’abord dans la salle de bains…
Assis sur le siège des toilettes, il avait réfléchi aux moyens de cacher son trésor.
 
Finalement, profitant de l’absence de sa femme, il avait emmailloté les pièces dans plusieurs sacs en plastique avant de les enterrer derrière le « mobil home ».
Il en garda une dans sa poche. Il éprouvait l’impérieux besoin de la toucher, de la contempler en secret.

                                                                     …

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